Apres quelques coups de sifflets rageurs , crachant de la vapeur de chaque coté de la voie , le "Tortillard des vaches" comme l'appelle mon
copain Robert , entre en gare de T.... -en-Campagne .
Elle mérite bien son C majuscule cette gare un peu bancale a la suite d'un bombardement par erreur de la dernière guerre . Un peu rafistolée par
la SNCF qui l'a prise en charge a la Libération , la propriétaire ayant été nationalisée du fait de sa collaboration active avec les "Vert de gris" .
Comme le pays est entouré de forêts , personne ne sait d'où vient ce "Campagne". Ce dont le visiteur que je suis , faisant avant tout attention a
ne pas s'étaler sur ce quai "rafistolé" , se fiche pas mal .
Robert m'attend sous la marquise , rafistolée elle aussi , et m'entraîne en riant vers sa vieille citroen , superbement rafistolée qui démarre
avec des "borborygmes" inquiétants .....sauf pour lui ......se terminant en explosions violentes .
Trente ans après la fin de la guerre , il y a encore des traces du bombardement dans le village et ses abords . Personne n'a jamais su l'origine
et la raison profonde de cette erreur . D'après Monsieur le Maire c'est encore un de ces planqués a Londres qui a du voir une meule de paille suspecte sur une photo aérienne . Interprétation
funeste ayant déclencher la punition du BomberCommand a l'aide d'une paire de Libérator .
Apres un virage serré qui a fait grincer les amortisseurs, tout du moins ce qui en reste , mon pote rentre dans sa propriété par une grande porte
un peu vermoulue . Coup de frein brutal,qui aurait pu m'achever , devant le la porte de sa grande maison bourgeoise .
Je descend presque flageolant de cette voiture de torture , juste a temps pour m'incliner devant son épouse . Il faut dire que cet animal m'avait
fauché Hélène en rentrant d'Algérie six mois avant moi . Avant cet accident de parcours - l'Algérie - dans notre vie bien calme elle avait été notre maîtresse alternativement . Je ne sais
pas lequel de vous deux choisir nous avait-elle avoué avec aplomb .
Robert a hérité de la fille mais ce qu'il ignorait totalement c'est qu'il allait aussi hérité de la propriété de l'oncle de la belle . Sacré
surprise pour les tourtereaux , l'oncle en question ayant déshérité ses enfants a leur profit . Les histoires de famille sont parfois atroces mais celle-ci s'est réglé sans risque pour eux par la
disparition des deux cousins dans un accident d'avion .
Nous passons derrière la maison pour rejoindre sous une joliette leur seule fille , en chaise roulante , suite a un accident de cheval . En
moi-même je me dis qu'il est dangereux d' appartenir a cette famille . Superbe fille , jambes nues bronzées mais devenues inutiles , abondante chevelure d'un superbe blond vénitien , elle vient
d'avoir ses seize ans .
Le quinqua célibataire que je suis sent son coeur battre mais se calme aussitôt en considérant la situation .
Présentation faite , elle me demande de s'asseoir a coté d'elle avec ce sourire qu'avait sa mère au même âge . Elle est belle ma fille , me
dit Robert en me regardant fixement . Puis il éclaté de rire - fait attention Angélique cet homme est un prédateur ! Elle me regarde avec un sourire ironique puis , pose sa main sur mon poignet -
faite attention je suis une vrai panthère ......
....enfin j'étais , ajoute-t-elle avec un regard devenu triste .
Puis heureuse de ma présence elle me raconte que son père affirme avoir vu un fantôme autour du vivier proche de ma porte fenêtre ! Elle en rit
mais Robert insiste pour que les volets soient soigneusement clos .
Je me précipite tout de même près du vivier , au risque de me planter dans le bassin , vu la quantité d'alcool obscurcissant mon cerveau . Je suis tout de même
assez lucide pour me rendre compte que l'herbe ,a été foulée légèrement . C'est frais , j'ai donc pas rêvé . Je regarde autour de moi , cherchant un autre indice . Rien , si labas , au fond
du parc , une ombre se déplace dans le hallier ! Tout du moins il me semble .
Je rentre me recoucher , un peu troublé peut-être .
Au matin , c'est Angélique qui me réveille , maniant son fauteuil avec une agilité extraordinaire . Elle porte une longue chemise de nuit qui
cache ses jambes mais laisse deviner sa juvénile poitrine . Gamine , faut pas exciter le vieux loup car comme dit ma grand-mère " chauffe un marron , tu le fait craquer " . Et le vieux loup peut
craquer .....!
Elle se sauve en riant . Je m'habille et rejoint la famille sous la gloriette ou la vieille Maria a servit le café . Je suis le seul habillé ,
Robert est en pijacourt et Hélène est troublante dans une chemise de nuit aussi légère que celle de sa fille qui montre parfois ses seins dans un entrebâillement coquin .
Me voila bien , entre une ancienne maîtresse et sa fille qui me rappelle nos vingt ans .
Je raconte mon aventure nocturne , qui inquiète Robert et Hélène et fait rire aux éclats Angélique . Papa dit-elle , marc ne tiens pas l'alcool
de " che nous" et bientôt il va voir des fantômes partout . A l'eau le parisien ajoute-t-elle en riant . Cette nuit je monte la garde dit-il . Avec toi répliquais-je !
mais vous allez faire fuir le fantôme s'exclama Angélique !
Angélique ne me quitte pas depuis ce matin et Hélène viens souvent nous rejoindre . Elles sont toutes les deux en short qui découvre leur
magnifiques cuisses . Elles m'entraînent sous les frondaisons du parc . Nous tombons sur Robert en train de poser des pièges . Nous hurlons tous les trois , non Robert , si c'est un braco tu vas
le mutiler inutilement . Ce n'est tout de même pas pour deux ou trois poissons qu'il va soustraire de ton vivier. Tu n'as pas le droit de faire cela . Il se rend a nos raisons et ramasse ses
pièges sous les regards inquiets des deux femmes .
Rassurés nous continuons notre promenade . En poussant le fauteuil d'Angélique je sens parfois se cheveux qui frôlent mon visage et l'odeur
troublante de sa peau . Hélène ajoute a mon trouble en serrant mon bras libre contre son léger tee-shirt ou je sent la forme et la chaleur de son sein .
Robert nous rejoint , Hélène lâche mon bras pour prendre celui de son mari . Nous ne parlerons plus du fantôme de toute la journée . Ce soir avec
Robert nous sommes aux aguets . Angélique a obtenue de laisser ses volets
entre-ouverts - pour voir le Fantôme - dit-elle . Ce soir avant de rejoindre sa chambre , pour me souhaiter une bonne bonne nuit , ses lèvres se sont posées très
proches des miennes .
Cela fait maintenant cinq nuits que nous guettons a tour de rôle , rien , toujours rien . pas la moindre trace d'un ectoplasme quelconque . Déçus et
fatigués....d'avoir ingurgité pas mal de gnôle a 70 ° - ils ne savent pas produire moins fort nos champions locaux de l'alambic - nous décidons d'arrêter .
Bien entendu les mises en boite d'Angélique se multiplient . Nous ne pouvons plus rien dire avec Robert sans que notre santé mentale soit mise en
doute . Même Hélène , la traîtresse lui apporte son aide . Robert est désabusé et commence a croire qu'il n'a jamais rien vu .
Je ne me sens pas battu et des idées folles me passent par la tête . Pourtant en analysant froidement , je ne vois pas Maria voler au dessus des
nénuphars , Angélique ne peut pas marcher ...... Hélène somnambule ? Non, Robert s'en serait aperçu . Pourtant je sens un mystère dans cette maison .
Mais quoi , je ne crois pas au revenant . Une voisine ? Elles sont toutes d'un âge canonique et c'est tout de même pas Gertrude , la bonne du
curé qui viendrait danser a la lune comme les petits lapins du parc .
Alors fait comme les autres n'y pense plus et essais plutôt d'éviter les pièges amoureux - on ne peut les appeler autrement - tendus par la
craquante Angélique . Encore hier soir , a moitié endormi , j'ai senti son parfum enivrant , le temps de me retourner , la porte se refermait doucement . Je vais être obligé de demander a Robert
un de ses pijacourt car je ne peux continuer a dormir nu .
Ce soir je vais aller voir de prés ce vivier . Avec un bouchon passer a la flamme je me noirci le vidage , passe un jogging sombre , sort sans
bruit et me planque derrière un buisson a proximité . Il est deux heures . La nuit est sombre , un gros nuage cache la lune a son dernier quartier .
Un oiseau de nuit hulule dans le parc . J'aime l'entendre . Mais je sens comme un frémissement près du vivier ....... il est là ...... forme
blanche comme dans les films d'épouvante ...... je m'approche en rampant par un mouvement tournant.... j'approche ......il est là .... je me lève et lui saute dessus ! Et je me retrouve au
sol tenant entre mes bras un mannequin de paille dans une aube de communiante .
Un rire sonore éclate dans l'allée principale du parc et une forme fuit a toute allure . Je suis fou de rage de m'être ainsi laissé berné .
Et toujours cette interrogation c'est qui ?
Je m'assois décontenancé sur la margelle du vivier et je sursaute . Deux bras dont je connais l'odeur m'entoure , une douce poitrine
s'appuie dans mon dos et des lèvres avides couvrent ma nuque de baisers . Je suis sans force , comme dans un rêve . Elle m'allonge sur le gazon et se couche sur moi . Angélique m'explique
qu'elle marche a nouveau depuis trois mois et qu'elle n'a rien dit a personne ne voulant pas retourner finir ses études en Angleterre . C'est dingue , c'est son masseur, kinésie et surtout
rebouteux qui a découvert qu'elle pouvait marcher a nouveau mais n'a rien dit non plus . Depuis son accident , les médecins espéraient qu'elle remarcherait un jour .
La petite panthère s'active avec fougue , je n'arrive pas a résister a cet assaut amoureux . J'ai beau me dire que j'ai pas le droit , je la
laisse faire et nous nous endormons , l'un dans l'autre , épuisés par sa découverte de l'amour physique .
Le lendemain matin , au petit déjeuner , elle se décide a dire la vérité et c'est une ambiance de fête , personne ne songe a lui reprocher cette
cachotterie . Il n'y a plus de fantôme du vivier .
Pourtant si ! Toutes les nuits deux ombres se rejoignent , sous la lune , a la mare aux nénuphars .
Cette histoire est réelle .Bien entendu j'ai changé les noms . C'est Marc qui me l'a raconté . Deux ans après cette aventure ils se sont mariés ,
fou l'un de l'autre , malgré cette énorme différence d'âge . L'attitude de Robert a été assez violente a la découverte de cette aventure mais elle fut tempérée par Hélène .
Aujourd'hui comme Robert et moi , Marc a prés de 75 ans et sa petite panthère la cinquantaine . Elle est toujours en admiration devant son
"prédateur" qui lui a fait deux beaux enfants . Je leur rend parfois visite et Ange m'avoue qu'elle ne le voit pas vieillir et qu'elle l'aime toujours avec autant de force , même si la tendresse
a pris le pas sur l'amour physique .
On le sent épanoui et heureux ....... le fantôme du vivier .